Existe-t-il un couple pervers narcissique ?
22 juil. 2017
Comment deux pervers peuvent-ils former un couple ? Comment le couple pervers va-t-il parler de « La rencontre » ? Comment ai-je rencontré le complice du pervers en consultation de sophrologie ? Comment va-t-il essayé de diriger le cadre thérapeutique ? Comment le pervers narcissique va-t-il élaborer un schéma à partir des consultations ?
Le couple pervers narcissique.
Oui. On parle souvent du pervers narcissique et des dégâts sur ceux ayant réussi à s’en échapper. Mais deux pervers peuvent vivre ensemble. Leurs liens sont des alternances de perversions où la notion d’amour est absente. C’est parfaitement logique puisque l’amour pour le pervers n’a pas de sens. C’est un concept ou un vécu dont il n’a aucune connaissance ou expérience. Néanmoins, c’est ce sentiment qu’il exploite chez sa future victime. Les pervers agiront comme deux trous noirs cherchant par tous les moyens à absorber son ou sa partenaire.
Comment deux pervers peuvent-ils former un couple ?
Lorsqu’ils se rencontrent, la base de leur relation est une dynamique perverse narcissique où chacun va alimenter le précepte du « moi avant tout ». Si le mode du pervers fonctionne avec une victime et un bourreau, dans leur cas, il y a une alternance des rôles. Les places ne sont pas figées. Par exemple, la soumission peut être exercée pour rendre l’autre sadique et dominer la bataille. Pour que la perversion fonctionne, il faut que l’un soit identifié comme le pervers de l’autre, afin que celui-ci entre dans le jeu en tant que victime consentante, complice et acteur de la manipulation commune.
Comment le couple pervers va-t-il parler de « La rencontre » ?
De manière très lointaine et sans émotion. On est loin de la rencontre bouleversante sur laquelle se tissent les liens respectueux des couples classiques. Cette paire va se trouver, évoluer sur leurs défauts, leurs faiblesses et leurs fragilités. Ce sont ces manques, ces « bosses » qui permettront l’alternance d’une domination de l’un sur l’autre. C’est un véritable jeu de domination et de résistance. Le but : l’emprise absolue sur l’autre. Ce qui les lie : les contre-attaques qui sont la base même de leur relation.
Comment ai-je rencontré le complice du pervers en consultation de sophrologie ?
Antoine, s’est présenté au cabinet affirmant être la victime d’une femme qu’il m’a décrit comme exerçant sur lui des pressions par maltraitance. Sa souffrance était perceptible tout comme son envie de sortir de cette relation.
- Elle est jalouse.
- J’ai peur d’elle et de mes réactions.
- Elle ne veut pas que je réussisse.
- Elle est violente et j’ai très peur de ses réactions.
- Le pire c’est quand elle alcoolisée, elle ne se maitrise plus dans cette situation.
- Je ne supporte pas de la voir jouer avec d’autre alors qu’elle est à moi.
- Elle me critique.
- Elle me rabaisse.
- Elle me reproche d’être ce que je suis.
- Elle m’utilise pour obtenir ce qu’elle veut et je cède à chaque fois.
- Je ne l’aime pas, mais je ne veux pas qu’elle me quitte.
- Elle ne sera jamais à un autre, je l’empêcherais
J’ai tenté l’éclaircissement par des reformulations. Il me fallait comprendre les liens construisant leur relation afin de définir une stratégie de sophronisation et créer un ancrage dans l’ici et le maintenant. Mais à mesure des séances, j’ai perçu une dichotomie dans ses propos via un rapport anxiogène au corps, notamment dans le descriptif de ses sensations. La conscience de son schéma corporel était axée sur ses performances à l’utiliser comme un instrument, un appât pour piéger sa compagne. Il n’existait pas, affirmait être anesthésié, effrayé par les sentiments confus qui l’habitaient. Mais peu à peu, j’ai trouvé des incohérences dans le développement de son statut, notamment dans les scénographies du couple exposé.
« Je ne veux pas d’elle », « Elle n’est pas de la même origine sociale que moi », « Je ne peux pas dire que je suis amoureux, elle est à moi et moi à elle », « C’est elle que je veux et gare à qui la touche », « Nous nous surveillons par un système de caméra avec le smartphone », « Quand elle part, je fais exprès de me mettre dans un angle mort pour qu’elle pense que je suis parti » « Je sais que ça la rend inquiète » « L’autre jour après un rapport intime, je lui ai parlé de vos conseils, de notre travail», « Elle est certaine que vous allez me faire un lavage de cerveau », « Elle ne comprend pas pourquoi je viens vous voir au lieu d’être avec elle », etc.
Comment va-t-il essayé de diriger le cadre thérapeutique ?
Il a tenté d’inclure sa compagne dans la consultation. L’argumentaire était que sa femme voulait se rassurer d’une relation thérapeutique sans danger pour eux. J’ai refusé tout net. Il me parut évident qu’il y avait une tentative d’instaurer une triangulaire. Par mon attitude, je lui ai signifié un refus d’instrumentalisation. Ma position sans ambiguïté, acta mon rejet de participer de prêt ou de loin à leurs jeux pervers. En conséquence, j’ai subi plusieurs formes d’attaques visant à me déstabiliser. Il tenta de discréditer mon travail. Pour lui, je n’avais pas les compétences d’un sophrologue tout en admettant ignorer cette profession. Il s’est renseignée sur mon droit à exercer ce métier, ma formation. Il enchaîna sur ce qu’il considérait être mes défauts physiques. Pour lui, mon accueil était médiocre et mon cabinet pas à son gout, voir vieillot et peu propice à recevoir. Il serait mieux assis dans un fauteuil de qualité, que celui proposé, etc.
Comment le pervers narcissique va-t-il élaborer un schéma à partir des consultations ?
L’intégralité de nos échanges était rapportée, décryptée, réinterprétée au tort exclusif de sa compagne. « Vous savez, je lui ai dit que je devrais prendre de la distance comme vous me l’aviez conseillé ». Bien entendu, cette phrase était retirée du contexte. Il est évident que le rôle qu’il m’attribua visait à pilonner sa compagne perverse. Des phrases telles que « Elle vous déteste », « Elle pense que vous nuisez à notre histoire », « Pour elle vous déglinguer les gens pour les utiliser et les briser », « Elle vous voit comme un prostitué sans le sexe » etc. Ces tentatives visaient à instaurer un climat malsain. Je l’ai fermement recadré en expliquant qu’il n’était pas possible de poursuivre la consultation en l’état. Le travail et le protocole accepté devaient être sereins, sans aucune menace pour perturber la quiétude du cabinet.
Comment parlent les conjoints pervers d’eux-mêmes ?
Les conjoints parlent souvent l’un de l’autre de façon méprisante. C’est de cette façon que peu à peu les mécanismes pervers se sont dévoilés. Désirer et jouir c’est être renvoyé à soi-même, à son manque. De fait, les insultes, les maltraitances incluant une sexualité unilatérale sont utilisées comme un moyen de pression à tour de rôle. C’est la volonté d’utiliser l’autre en instrumentalisant un système de contrition factice, pour redevenir maître du jeu. Aussitôt qu’une période de calme s’installe, elle perturbe. Si tout est tranquille, c’est que l’autre prépare forcément quelque chose.
Quel est le mode de communication du couple pervers narcissique ?
La communication dans ces couples est une bataille sans fin qui sert à affirmer son pouvoir sur l’autre pour le dominer et l’assujettir. Tout est calculé. Connaître par cœur sa victime, c’est connaître ses points faibles. Or, ce sont ces faiblesses qui nourrissent la relation. Elle est faite d’une suite de menaces, de stratagèmes destructeurs pour digérer l’autre. Ils/elles ne peuvent pas s’échapper de cette emprise et d’ailleurs ils ne le souhaitent pas vraiment. Ils s’appartiennent à la vie à la mort…
Cette tension constante est profondément agressive. Elle a pour finalité de détruire l’autre dans ce qu’il a d’unique, de différent jusqu’à son épicentre. Ce qui nous amène à examiner une autre arme utilisée par ces couples pervers.
Le couple pervers instrumentalise-t-il l’utilisation de la violence par la peur ?
Oui, Il y a beaucoup de violence dans ces couples. Elle est à la fois physique psychologique et sexuelle. La peur, notamment de la séparation, est utilisée pour renforcer
le lien pervers. Elle a une valeur excitante pour ces couples. Ils jouent à avoir peur et à se faire peur. Ces violences très brutales sont le carburant de leur relation.
Pour Antoine, il était impossible que sa compagne la quitte tout comme lui. Mais leur relation ne pouvait pas se satisfaire de simples menaces. Ils avaient instauré un jeu d’absence de réponses lorsque l’un d’entre eux disparaissait. Cette défection de la cellule familiale pouvait varier d’un jour à une semaine, sans que « l’absent » ne donne la moindre nouvelle. Pourquoi ? Parce que l’autre allait souffrir et le pilonnage augmentera sa vulnérabilité. Le tourment est bien réel. Mais il dynamise les brutalités et elles s’enchaînent sans fin, sans pauses. Les phrases induisent une possession :
« Elle est à moi », « je lui appartiens et elle m’appartient », « je tuerais quiconque essayera de me le/la prendre », « Personne ne sait mieux que moi ce dont il/elle a besoin. » etc.
Confirme cette absence d’amour sincère. Durant ces séparations, des plans sont échafaudés par les deux partenaires. En effet, l’autre ignore ce qu’il se passe, il y a un échappement avéré du contrôle. Mais comme me disait ce patient :
« Quand nous nous retrouvons, nous sommes unis par un lien fort et bestial. Je n’ai jamais eu autant l’impression d’être à elle et elle à moi que lors des retours ».
La jouissance est donc au rendez-vous et le jeu peut reprendre.
L’argent peut-il être un moyen de pression pour ces couples pervers ?
Oui, c’est le nerf de la guerre. Si l’un des deux pervers à une situation financière supérieure, alors les choses sont encore plus violentes. Il va utiliser ce pouvoir comme un moyen de pression redoutable. L’argent c’est lui ou elle qui le gagne et le but n’est pas d’en faire profiter l’autre. Il s’agit de l’asservir en l’humiliant le plus souvent en public ou en privé. « Je lui ai retiré les moyens de paiements », « C’est moi qui ramène l’argent et elle le dépense sans compter », « Je lui aie acheté ceci ou cela, mais je peux décider de le vendre quand bon me semble », « Je n’hésite pas à dire ce que je pense quand nous sommes invités » etc.
En conclusion, la thérapie n’a aucune issue. Si elle se met en place, c’est certainement parce que la violence peut basculer et que les limites sont atteintes pour le/la patient(e). Peut-être est-ce une prise de conscience éphémère des conséquences individuelles. Mais compte tenu de sa courte durée, elle n’actera aucun changement ni aucune prise de conscience. Ce sera une pause dans la course à la destruction.
Article écrit par Thierry MIGNON